Voici un bref historique du cyclope, question de mettre en perspective ce nouveau numéro. Le Cyclope Achalant No 0 fut publié en 1993. Il comprennait des pages tirées d'un 24 heures BD réalisées quelques semaines plus tôt. La plupart des auteurs présents dans ce numéro 0 allaient se retrouver dans les autres. Intérieur photocopié, la couverture fut réalisée en sérigraphie chez Richard Suicide avec Alexandre Lafleur.
Il faudra attendre jusqu'en 1999, donc presque 6 ans plus tard pour voir apparaître le numéro 1 du Cyclope, publié par 400 coups dans la collection Zone Convective. Bénéficiant d'une subvention du conseil des arts du Québec, pour la première fois, des auteurs de BD alternative de Montréal recevait un salaire pour produire une dizaine de pages. De plus, le collectif aura 48 pages couleurs, un luxe pour l'époque. En janvier 2000, quelques auteurs du Cyclope dont Marc Tessier et Al+Flag iront représenter le Québec à Angoulême avec le livre.
Le Cyclope se retrouve finaliste pour le concours Grafika/Lux 2000, catégorie meilleur couverture de livre.
Trois ans plus tard, Marc Tessier s'associe avec Hélène Brosseau pour préparer, organiser et publier le Cyclope No 2, L'enfance du Cyclope. Encore une fois, il est publié chez Zone Convective sous la direction de Yves Millet. Avec ses histoires complètes sur le thème de l'enfance et 64 pages en couleurs sur 200, ce numéro s'avère d'une grande qualité esthétique et narrative.
Parralèlement se monte un cyclope en anglais hors-série, CYCLOPS, aim for the Eye. Comprenant des traductions et des histoires inédites, il est publié par conundrum press. Ce cyclope est diffusé à la grandeur du Canada et les artistes exposent en 2003 au School of Visual Arts de Ottawa.
La couverture de Stéphane Olivier se mérite en 2003 le grand prix Grafika/Lux, catégorie meilleur couverture de livre.
Marc Tessier occupé par son role de nouveau papa, Jimmy Beaulieu prend la relève et publie en 2006 Cyclope No3, plan cartésien. Ce livre de plus de 400 pages fait le point sur l'essor et la nouvelle vitalité de la bande dessinée québécoise.
4 ans plus tard arrive (enfin) le Cyclope No4, Les Fumettos du Cyclope. Cette fois-ci, tout le livre est en couleur. Il poursuit la tradition d'intégrer de jeunes auteurs avec d'autres plus établit et de poursuivre l'expérimentation au niveau du récit narratif. Il sera lancé le 18 décembre 2010 au Cheval Blanc.
Voici quelques critiques des Cyclopes précédents :
VOIR 20 mars 2000
Marc Tessier a réalisé un projet qui lui tenait à coeur: réunir les talents des bédéistes québécois dans un seul ouvrage. C'est chose faite, puisqu'il publie Cyclope, un collectif de qualité, prometteur.
Décidément, la bande dessinée québécoise se conjugue au pluriel par les temps qui courent. Alors que viennent de paraître les collectifs 106 U (édité par Éric Braün) et Exil (de Dominique Desbiens), deux supports de qualité diffusant les oeuvres de créateurs d'ici, voilà que les éditions Mille-Îles lancent ce qui pourrait bientôt devenir l'équivalent québécois de Lapin, revue française de BD d'avant-garde. Ce bel objet qui vient d'apparaître en librairie porte le nom du monstre de la mythologie antique qui n'avait qu'un oeil: Cyclope.
Marc Tessier, auteur de bande dessinée et maître d'oeuvre de la publication, raconte sa naissance. «Depuis longtemps, je voulais faire un collectif de qualité regroupant nos talents et qui aurait l'allure de Cyclope. Je trouvais qu'on avait suffisamment de bons artistes ici pour faire quelque chose de similaire à ce qui se fait en Europe, comme Cheval sans tête des éditions Amok ou Lapin de L'Association. S'il y a d'autres collectifs québécois, d'esprit alternatif ou underground, ça tourne surtout autour de la violence, du sexe et de la provocation. J'ai donc décidé de lancer ce collectif qui montre un autre aspect de la bande dessinée québécoise.»
Pour Tessier, «le titre Cyclope évoque un être en quête de vision, un personnage qui cherche à voir au-delà de ses limites». Et il fallait en effet être visionnaire pour mener à terme un projet aussi ambitieux que son résultat est impressionnant: la publication de 29 bandes réunissant une trentaine d'artistes, réunies dans 192 pages, dont 48 en couleur, supportée par un travail d'édition professionnel. Ce premier numéro, Tessier en a supervisé toutes les étapes de production. Il a sélectionné les auteurs, qu'il a ensuite conseillés et encadrés, et il a collaboré à plusieurs scénarios.
Selon lui, plusieurs tendances se dégagent de l'anthologie. «Plusieurs courants émergent. Richard Suicide, Caro Caron et Siris ont un petit côté rock'n'roll de l'est de Montréal. Ils parlent un langage semblable. D'autres proposent des recherches sur le plan pictural. Billy Mavreas, par exemple, qui déconstruit le langage de l'image. Simon Bossé, Line Gamache et Fidèle Castrée ont fait des histoires où la nature, et surtout l'arbre, étaient très présents. Pour Alexandre Lafleur et moi, la BD est liée à une recherche spirituelle, avec des racines de contes amérindiens et de philosophies zen, tao, bouddhiste. Ça fait partie d'une quête symbolique qui vise à travailler l'image pour qu'elle ait un sens au-delà de la surface.»
Étant donné sa densité, Cyclope est propice à une lecture non linéaire, faite d'errance et de découvertes. Signalons celles qui nous ont paru parmi les plus belles. Le drolatique et éclaté X-Ray Love, une «fable romantique» nouveau genre de Rupert Bottenberg. Le Rêve du 10 juillet 1999, courte histoire de style autobiographique, réalisée au pinceau et à la gouache par Jimmy Beaulieu, jeune artiste à surveiller qui termine actuellement un premier album. L'Homme le plus heureux du monde, d'après Henry Miller, adapté par Marc Tessier et dessiné par Jean-Pierre Chansigaud, qui propose un magnifique travail sur le cadrage et sur la couleur. La Soupe, dans laquelle Simon Bossé se réalise en divers tons de gris, dans un mixte encre et gouache, avec des fonds réalisés à la plume feutre. Comme Bossé, éditeur indépendant, est souvent occupé par l'oeuvre des autres et qu'il ne nous régale pas souvent de son incroyable coup de crayon, profitons-en.
Présenté au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême en janvier, la revue a été bien reçue et commence déjà à jouer son rôle: faire connaître ses auteurs, dont quelques-uns ont même trouvé des éditeurs à l'étranger. Dans l'ensemble, Marc Tessier est plutôt confiant en l'avenir de la bande dessinée québécoise, dont Cyclope est un acteur parmi d'autres. «Il faut regarder tout ce qui se passe. Tant pour Exil de Desbiens que pour 106 U de Braün; je constate que la qualité augmente tout le temps. À chaque publication, il y a une surenchère due au fait que nous sommes tous conscients de ce que font les autres. C'est une compétition amicale et je vois ça comme un grand signe de vitalité.» Avec son grand oeil bien ouvert sur son temps, on pourra dire un jour que Cyclope a largement contribué à cette vitalité.
Éd. Mille-Îles, coll. Zone convective 2000, 192 pages (dont 48 en couleurs).
VOIR, 20 mars 2003
Après l'intéressante anthologie Cyclope, parue en l'an 2000, L'Enfance du Cyclope nous arrive avec une brochette de bédéistes québécois présentant des bandes de quelques planches chacune et consacrées ici au thème de l'enfance. On y retrouvera les grands noms de la BD underground montréalaise, aux traits splendides (mais dont le propos ne s'est pas encore affranchi d'une certaine obsession scatologique), ainsi que des créateurs subtils et expérimentés tels que Michel Rabagliati, Obom, Line Gamache et Jimmy Beaulieu. Orné d'une jolie page couverture d'Hélène Brosseau, le livre offre un panorama intéressant de la production, extrêmement diversifiée et imaginative, de la bande dessinée locale. Zone convective, 2002, 224 p.
Avec ses vingt-trois bédéistes, L'Enfance du cyclope offre un survol des plus agréables de ce que peut être la bédé québécoise actuelle. Soutenus par une thématique riche, les auteurs de ce collectif s'aventurent sur les traces de leur enfance. À travers un itinéraire de tableaux revendiquant une originalité bien assumée, l'imaginaire s'impose comme personnage principal; il nous prend par la main pour nous faire (re)visiter le passé, sur lequel se pose un regard à la fois sensible et inventif. Naïveté et lucidité valsent d'un souvenir à l'autre. Vivre avec Rabagliati une journée d'Expo 67, faire la rencontre d'amis imaginaires, partager les petites et grandes peurs et les rêves peuplant l'enfance... Voilà un bref aperçu de ce qui attend le lecteur qui, comme Ulysse, prendra le large au fil de sa lecture, pour y rencontrer assurément un sympathique cyclope!
Marie-Pier Labbé, Pantoute
Montreal review of Books
Spring 2003
Cyclops: Contemporary Canadian Narrative Art
Edited By Marc Tessier And Helene Brosseau
$19.95
paper 224 pp.
conundrum press 0-9689496-8-1
Graphic madness
Reviewed by Phil Hawes
This is the first English-language publication by the collective behind the francophone anthologies Cyclope and L'Enfance du Cyclope. There are 25 artists in this collection, all of whom seem to be based in Montreal. The anthology bills itself as "contemporary canadian narrative art": a euphemism for comics and their graphic relatives that attempts to distance these creations from their spiritually/intellectually flimsy Sunday funnies counterparts. Unfortunately this label seems ill-conceived, since the narratives of thse individual works are their weakest elements.
Nevertheless, the graphic art itself if mesmerizing. It's difficult to pick up the book without becoming spellbound by the intricacy and scope of the graphic madness within. A plethora of visual minutiae which consistently overpower any supposed narrative await the attentive reader. It's rare to come across an art form which is popular and yet so individualistic. A brief review of some favourite individuals works will give an impression of the breadth achieved by this remarkable conglomeration.
"Untitled" by Obom
This charming autobiographical comic recounts the author's childhood up until the age of eighteen. This is the only work in the collection to make use of a manic stipple effect, whereby much of the frame is covered with the application of millions of tiny pen dots enabling subtle and painstaking gradations. Otherwise, the style of illustration is childlike and primitive, to the extent that the narrator's gender only becomes evident on page seven - her pigtails had seemed like antennae.
"The Sefiroth Tree" by Jean-Claude Amyot & Marc Tessier
Despite the goofy-looking protagonists and the mystifying philosophy, this is a graphically complex comic. Nature is portrayed with a dizzying array of techniques. The landscape morphs from minimal and fluid flowing line to blocky dabs of black ink. Amyot appears to be the only artist in this collection not overly concerned with having a "style," choosing instead to adapt his agile pen and brush directly to the psychologial (or psychedelic) effects desired.
"GMO Raizin" by Siris
This is a shockingly peurile, grotesque work which succeeds as savage social caricture in the manner of Dadaist George Grosz. Siris has an aesthetic of cruel invention and of unrelenting sadism, as disquieting as it is funny. GMO Raizin is an eternally doomed mutant raisin enslaved to corrupt capitalists for the use of his perversely large tongue. The "tongue cuffs" are especially nightmarish.
"Chers Voisins" by Jean-Pierre Chansigaud
This slice-of-life commentary on St-Henri surely loses something in the translation, but nevertheless its satire's aim is true. Chansigaud's neighbours resemble a hot dog-munching zombie horde, yet he breathes life into them by placing them within a finely observed architectural space, with buildings rendered brick by brick and sidewalks crack by crack. There is a real sympathy behind his despairing sarcasm.
The overall effect of this collection is one of contrast: supernatural supercheerful benevolent cosmic bunnies, Burroughs-esque insects burrowing out of Disneyesque heads, pagans riding dragons into the cosmic zygote, postmodern orientalist photo montages, idiot savant lewd couplings on the back of masonite, constructivist circus collages, Montreal as a claustrophobic panoply of mutants, and two completely divergent works with almost the same title, one using "The Thanksgiving Amoeban Exact Method of Drawing," the other epic cross-hatching. (Apologies to anyone omitted.)
Cyclops may fail to convince in its claim to "contemporary narrative art," but despite the self-conscious cuteness, the wanton perversity, and drug-fueled mysticism, this is a colleciton of artists of undeniable talent who are testing the limits of the medium. Each work has an accompanying photograph (or illustration) of the artist to indulge our visual prejudices, and a succint biography as well, several of which are amusingly self-deprecating.
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